CITATIONS DE RODIN AUTOUR DE L’ANTIQUITE/ DES CATHEDRALES
‘‘Je n’invente rien, je redécouvre »
‘Voici des statues abîmées, trouvées dans des ruines ; et parce qu’elles sont incomplètes, ne sont-elles plus des chefs-d’œuvre ? »
‘‘ J’aime les statuaires de la Grèce antique : ils furent et ils demeurent mes maîtres’. Auguste Rodin – 1906.
« C’est la vie même. Elle incarne tout ce qui est beau, la vie même, la beauté même. Elle est admirable. Les lèvres entr’ouvertes ! Je ne suis pas un littéraire. Je ne suis donc pas capable de décrire ce véritable chef-d’œuvre. Je peux ressentir, mais je ne peux trouver les mots justes qui pourraient exprimer ce que je ressens. C’est une Vénus ! Vous ne pouvez imaginer à quel point cette Vénus m’intéresse. Elle est comme une fleur, un joyau parfait. Tellement parfaite que c’est aussi déroutant que la nature elle-même. Rien ne pourrait la décrire. » (« Interview with M. Rodin : A Praxiteles Venus », Morning Post, 28 mai 1903)
« Venez me voir demain matin à Meudon ; nous parlerons de Phidias et de Michel-Ange, et je modèlerai devant vous des statuettes d’après les principes de l’un et de l’autre. Vous saisirez ainsi parfaitement les différences essentielles des deux inspirations ou, pour mieux dire, l’opposition qui les sépare. » Cette invitation faite par Rodin à Paul Gsell vers 1910, et la séance de modelage et d’explications qui suit (in L’Art, « Phidias et Michel-Ange »)
Parlant d’une petite Vénus antique qu’il montre à Paul Gsell, un soir, à la lueur d’une lampe, il s’extasie :« N’est-ce pas merveilleux ? (…) Voyez donc les ondulations infinies du vallonnement qui relie le ventre à la cuisse… Savourez toutes les incurvations voluptueuses de la hanche… Et maintenant, là… sur les reins, toutes ces fossettes adorables
« Dans ce rêve antique, la véritable révolution vint du mélange des objets du passé au chantier de la création, fait rarissime dans la longue histoire des collections d’artistes. » (B. Garnier, Rodin-Freud, p.80)
Article intitulé « Un sacrilège national. Nous laissons mourir nos cathédrales », paru dans Le Matin le 23 décembre 1909 :
« La neige, la pluie et le soleil me retrouvent devant elles comme un grand chemineau de France, et je les découvre sans cesse : je les vois toujours pour la première fois. Pour les comprendre, il suffit d’être sensible au langage pathétique de ces lignes gonflées d’ombre et renforcées par la forme dégradée des contreforts unis ou ornés. Pour les comprendre, ces lignes amoureusement modelées, il faut avoir la chance d’être amoureux ; car l’esprit dessine, mais c’est le cœur qui modèle. »
« Je deviens architecte, écrit-il, il le faut, car je complèterai ce qui me manque ainsi pour ma porte. »
‘‘Soyez en colère, rêvez, pleurez, dansez », ordonne-t-il à ses modèles
‘‘ Une cassure est toujours le fait du hasard ; or le hasard est très artiste » -Auguste Rodin, 1907
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Auguste Neyt, un jeune soldat belge qui lui sert de modèle (pour l’âge d’airain), raconte : « Je fus introduit dans son atelier (…) où je devais m’exercer à prendre la pose. Ce n’était guère chose facile. Rodin ne voulait pas forcer les muscles, il avait horreur précisément de la pose académique (…) Le maître voulait l’action « naturelle », prise sur le vif. » (cité par Butler, p. 61)
Paul Gsell : « Quant à moi, chasseur de vérité et guetteur de vie, (…) je prends sur le vif des mouvements que j’observe, mais ce n’est pas moi qui les impose. Même lorsqu’un sujet que je traite me contraint à solliciter d’un modèle une attitude déterminée, je la lui indique, mais j’évite soigneusement de le toucher pour le placer dans cette pose, car je ne veux représenter que ce que la réalité m’offre spontanément. En tout j’obéis à la Nature et jamais je ne prétends lui commander. Ma seule ambition est de lui être servilement fidèle. » (Gsell, p. 27).
Au début des années 1910, Paul Gsell, s’entretenant avec Rodin, lui oppose que la preuve qu’il modifie la Nature, « c’est que le moulage ne donnerait pas du tout la même impression que (son) travail ». Rodin répond : « C’est juste ! mais c’est que le moulage est moins vrai que ma sculpture. Car il serait impossible à un modèle de conserver une attitude vivante pendant tout le temps qu’on mettrait à le mouler. Tandis que moi je garde dans ma mémoire l’ensemble de la pose et je demande sans cesse au modèle de se conformer à mon souvenir. (…) Le moulage ne reproduit que l’extérieur ; moi je reproduit en outre l’esprit, qui certes fait bien aussi partie de la Nature. Je vois toute la vérité et pas seulement celle de la surface. » (Gsell, p. 27-28)
En 1912, Nijinski qui pose pour Rodin, confie au poète Mallarmé : « Nous n’aimons tant Loïe Fuller, Isadora Duncan et Nijinski que parce qu’ils ont recouvré la liberté de l’instinct et retrouvé le sens d’une tradition fondée sur le respect de la nature. »
À la bienséance des poses académiques, le sculpteur préfère leur accorder une grande liberté d’attitudes, cherchant à saisir la vérité du mouvement dans d’innombrables dessins exécutés « sur le vif », sans quitter des yeux le modèle — des « dessins sans voir », dans lesquels l’artiste accepte, et désire, les déformations anatomiques et inventions plastiques produites par ce mode opératoire : « Depuis que je m’y suis mis, s’enthousiasme Rodin, j’ai l’impression de savoir dessiner… Et je sais pourquoi mes dessins ont cette intensité : c’est que je n’interviens pas. Entre la nature et le papier j’ai supprimé le talent. Je ne raisonne pas, je me laisse faire. » (cité in Figures d’Eros, p. 50)
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Il parlait bas avec une ardeur dévote. Il se penchait sur ce marbre comme s’il en eut été amoureux.
C’est de la vraie chair ! disait-il (…) On la croirait pétrie sous des baisers et des caresses.
Puis, mettant la main à plat sur la hanche de la statue :
On s’attendrait presque, en tâtant ce torse, à le trouver chaud. » (Gsell, p. 47-48)
« Voilà une main… cassée au ras du poignet, elle n’a plus de doigts, rien qu’une paume, et elle est si vraie, admirait-il, que pour la contempler, la voir vivre, je n’ai pas besoin des doigts. Mutilée comme elle est, elle se suffit malgré tout parce qu’elle est vraie. » (Rodin, 1904).
« Ces gens-là, dit-il, ne comprenaient donc rien à la sculpture ? à l’étude ? N’imaginaient-ils point qu’un artiste doit s’appliquer à donner autant d’expression à une main, à un torse, qu’à une physionomie ? Et qu’il était logique et beaucoup plus d’un artiste d’exposer un bras plutôt qu’un « buste » arbitrairement privé par la tradition des bras, des jambes et de l’abdomen ? L’expression et la proportion, le but est là. Le moyen, c’est le modelé : c’est par le modelé que la chair vit, vibre, combat, souffre… » (Rodin cité par D. Viéville, Rodin-Freud, p.165)
« Jamais un corps humain n’avait été aussi concentré autour de ce qu’il a de plus intime, ainsi ployé par sa propre âme… (Les) statues sans bras de Rodin ; il ne leur manque rien de nécessaire. On est devant elles comme devant un tout achevé et qui n’admet aucun complément. »
« Si, en effet, dans les photographies les personnages, quoique saisis en pleine action, semblent soudain figés en l’air, c’est que toutes les parties de leur corps étant reproduites exactement au même vingtième ou au même quarantième de seconde, il n’y a pas là, comme dans l’art, déroulement progressif du geste. (…) c’est l’artiste qui est véridique et c’est la photographie qui est menteuse ; car dans la réalité le temps ne s’arrête pas : et si l’artiste réussit à produire l’impression d’un geste qui s’exécute en plusieurs instants, son œuvre est certes beaucoup moins conventionnelle que l’image scientifique où le temps est brusquement suspendu. »
« J’avais pensé que placé très bas le groupe devenait plus familier et faisait entrer le public mieux dans l’aspect de la misère et du sacrifice, du drame, dis-je. Il peut se faire que je me trompe car je ne juge jamais que lorsque mon œil a vu les choses en place. Dans l’incertitude je me rapporte à la commission dont vous êtes président. Tel que votre croquis me montre le monument, il me semble qu’il se découpera sur le ciel ayant à sa droite l’hôtel des postes, et à sa gauche le square, ce serait bien ; beaucoup mieux que s’il se trouvait devant les arbres du jardin ; dans ce cas il ne se profilerait pas, et je retournerai à mon idée de l’avoir très bas pour laisser au public pénétrer au cœur du sujet, comme dans les mises au tombeau d’églises ou le groupe est presque par terre. » (Lettre de Rodin à Omer Dewavrin, 8 décembre 1893 ; citée in A. Le Normand-Romain & A. Haudiquet, Rodin. Les Bourgeois de Calais, éditions du Musée Rodin, Paris 2001, p. 38-43 (note #63).
4 septembre 2019
RODIN