DOCUMENTS PROPOSES SUR LE SITE DU MUSÉE RODIN
TECHNIQUE / Le modelage
Le modelage est la technique la plus primitive et la plus directe de mise en forme de la terre. À partir de la Renaissance, le modelage occupe une place prépondérante dans le travail du sculpteur. L’œuvre, en plâtre, bronze ou marbre, est réalisée en collaboration avec le mouleur, le fondeur ou le praticien. Le modelage se fait autour d’une armature en fil de fer pour les sculptures de grand format. Le sculpteur monte l’œuvre de bas en haut, en écrasant avec ses doigts, un ébauchoir ou une spatule, des boulettes ou des colombins d’argile. Les couches initiales sont assez compactes, les suivantes plus fluides pour mieux adhérer à la masse. Entre deux séances de travail, la terre est enveloppée de linges humides pour garder sa malléabilité. Elle doit être conservée à une température stable car elle risque de se fendre en séchant, qui plus est sous l’effet d’une forte chaleur, ou de geler et de se casser par grand froid.
Paul Gsell évoque dans ses souvenirs la formidable dextérité de Rodin : « Ses mains étaient extraordinairement larges avec des doigts fort courts. Il malaxait la glaise avec furie, la roulant en boules, en cylindres, usant à la fois de la paume et de ses ongles, pianotant sur l’argile, la faisant tressaillir sous ses phalanges, tantôt brutal, tantôt caressant, tordant d’un seul coup une jambe, un bras, ou bien effleurant à peine la pulpe d’une lèvre. C’était un délice de le voir à l’œuvre. La terre s’animait sous ses passes magnétiques.1 » Auguste Rodin se souvient lui aussi de cette époque, et constate qu’avec le temps, il a changé : « Jeune, j’avais une main d’une prodigieuse vitesse ; je l’aurais encore, si je le voulais ; mais je réfléchis plus. Ma volonté est plus forte. C’est pour cela que je travaille plus lentement. Il n’est du reste pas dans ma nature de me presser. 2»
1 Gsell, Paul, « Auguste Rodin », La Revue de Paris, 15 janvier 1918, p.407. Cité dans Véronique Mattiussi, « L’atelier du sculpteur ». 2 Rodin, Auguste, Éclairs de pensée, Écrits et entretiens. Textes réunis et présentés par Augustin de Butler, Éditions du Sandre, réédition 1998. Entretiens avec Henri Dujardin-Beaumetz, L’Apprentissage, p.156
TECHNIQUE / Le moulage à creux-perdu et le moulage à bon-creux
Pour passer de l’œuvre en terre à une épreuve en plâtre, et afin d’obtenir de celle-ci des multiples, le mouleur effectue successivement deux types d’opérations. La première est un moulage à creux-perdu. Le moule, réalisé avec du plâtre, prend exactement l’empreinte du volume en terre confié au mouleur. Puis comme le nom du procédé l’indique, l’ouverture du moule entraîne, par arrachement, la destruction définitive de ce qu’il tenait en son creux. Il ne subsiste plus désormais de l’œuvre que son empreinte en négatif au creux du moule. Le moule, nettoyé, séché et enduit d’un agent de démoulage, reçoit une première épaisseur de plâtre avant d’être refermé pour la coulée. Après séchage, le dégagement de la première épreuve, dite épreuve originale, est obtenu par la destruction du moule qui l’enserre. L’opération de décochage est menée à son terme avec prudence car aucun risque mettant en péril cette première épreuve ne doit être pris.
Dans un second temps, le moulage de l’épreuve originale consiste en la fabrication de nombreuses petites pièces en plâtre qui viennent épouser les contours les plus complexes du volume. En s’ajustant rigoureusement les unes aux autres, elles permettent d’enserrer toute la forme et d’en reconstituer l’empreinte exacte. Ce moulage à bon-creux, comme son nom l’indique, laisse intacte la forme qui lui sert de gabarit. Lorsque toutes les pièces ont été fabriquées, l’épreuve originale est mise à l’abri et soigneusement conservée. Ce nouveau moule à pièces, qui peut être démonté et reconstitué à volonté, permet de tirer des épreuves multiples.
Lors de la coulée du plâtre, les pièces sont maintenues entre elles par une épaisse chape de plâtre. Les épreuves issues d’un moule à pièces sont couvertes d’un réseau de coutures assez serré. Il s’agit des légers reliefs en plâtre situés à la jonction des différentes pièces.
Ces traces peuvent être arasées mais Rodin pouvait décider de les conserver, laissant apparaître dans l’œuvre les traces de sa fabrication. Les œuvres de grand format nécessitent plusieurs moules. On procède alors au montage et à l’assemblage des différentes parties à l’aide de plâtre gâché très clair. Les épreuves en plâtre servent à leur tour de modèle pour la fonte d’un bronze (modèle de fonderie) ou la taille d’un marbre (modèle de mise-aux-points). Le moule à bon creux permet aussi de fabriquer, par estampage, une nouvelle épreuve en terre, qui pourra être retravaillée par modelage.
Rodin aimait travailler le plâtre et faisait réaliser une série d’épreuves de chaque œuvre sortie de ses mains. Tout en gardant le témoignage de chaque phase de son travail, il disposait ainsi de figures qu’il pouvait modifier à sa guise.
Il faisait aussi réaliser en grand nombre des morceaux de parties de corps issues de ses moulages. Ces « abattis », tels qu’il les nommait, lui servaient de matériau pour créer de nouvelles figures. Rodin aimait la blancheur des plâtres et n’hésitait pas à en faire tirer un nouveau lorsqu’une épreuve était sale ou endommagée. Il est l’un des derniers sculpteurs à avoir été assisté d’un atelier dans lequel les mouleurs avaient une place particulièrement importante.
TECHNIQUE / La fonte du bronze à la cire perdue
La fonte à la cire perdue permet de passer du modèle en plâtre à une épreuve en bronze, et d’exécuter plusieurs fontes à partir d’un même modèle. L’épreuve obtenue présente l’avantage d’être creuse, ce qui en en allège le poids et le coût.
La première opération de moulage consiste à prendre l’empreinte du modèle. On utilise un matériau souple, capable de se figer tout en conservant son élasticité, tel que la gélatine. Cette qualité permet de ne pas altérer le modèle lors du démoulage. Les plâtres qui ont servi de modèles de fonderie sont facilement reconnaissables à la couleur brunâtre de la gomme-laque dont ils ont été enduits pour faciliter cette opération. Les modèles de grande dimension sont traités en plusieurs morceaux.
La première épreuve, fabriquée en matériau réfractaire, est réduite de quelques millimètres d’épaisseur et replacée dans le moule, telle un noyau, maintenu par des tiges métalliques. Dans l’espace ainsi créé à l’intérieur du moule on coule de la cire liquide, qui refroidit et durcit. Le moule est cassé, l’intérieur formé par la gélatine est nettoyé et rangé pour une éventuelle réutilisation.
L’épreuve en cire, qui contient toujours son noyau, est retouchée à l’aide de petits outils, jusqu’à la rendre parfaitement fidèle à l’original : c’est le réparage. S’il le souhaite, l’artiste peut encore intervenir pour opérer de légères corrections, accentuer un effet et signer. C’est à ce moment aussi que l’on inscrit dans la cire le numéro du tirage et le cachet de la fonderie. Tout autour de l’épreuve en cire, on construit un réseau de tiges, également en cire. L’ensemble est recouvert d’une enveloppe de terre réfractaire, la chamotte, consolidée de treillage. Le moule de coulée est introduit dans un four. La cire liquéfiée s’écoule : c’est le décirage. A l’intérieur du moule, la place occupée par la cire est libérée. Selon leur disposition, les tiges sont devenues : les égouts, par lesquels la cire a été évacuée ; les jets, qui vont recevoir le bronze en fusion ; et les évents, qui permettront à l’air de s’échapper. Le moule, encore renforcé par un manteau de sable et de grenaille métallique, est descendu dans la fosse de coulée. Le bronze versé en fusion (1 200 degrés) doit s’écouler rapidement dans l’ensemble du moule lors de la coulée. Lorsque le bronze est refroidi, on brise le moule et on dégage la totalité de la gangue réfractaire. Commence alors un long travail de finition : coupe du réseau d’alimentation, émiettement et retrait du noyau, ciselure et polissage de la surface. Enfin, pour protéger le bronze des attaques ultérieures, on l’altère artificiellement à l’aide d’oxydes qui corrodent légèrement sa surface et la colorent d’une tonalité brune, verte, bleue ou noire : la patine.
La technique de la fonte au sable, devenue de plus en plus rare aujourd’hui, était aussi utilisée à l’époque de Rodin. On y retrouve le principe de coulée du bronze autour d’un noyau, réduit en épaisseur après prise d’empreinte sur un modèle en plâtre. Au final, l’œuvre en bronze est également creuse.
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4 novembre 2019
RODIN